Pr NGOUFO Roger
Géographe Environnementaliste, Professeur titulaire des Universités, Université de Yaoundé 1, Département de Géographie / Directeur de l’ONG Cameroon Environmental Watch (CEW) / BP 31323 Yaoundé, tel (237) 677 52 47 17 / 658 08 72 98 email : ngoufocew08@yahoo.fr
A propos du phénomène d’écoulements torrentiels que connaît fréquemment la ville de Buéa
On observe des écoulements torrentiels qui partent de la montagne (Mont Cameroun), empruntent des drains naturels et qui en débordent lorsque ceux-ci sont obstrués pour se déverser à Buéa sur le piémont. Les eaux, non chaudes, sont très souvent de couleur noire transportant des produits volcaniques (cendres, lapillis) et autres débris.
L’explication qu’on peut donner est celle des sols et produits volcaniques fins, qui, du fait d’un apport d’eau important, ont été liquéfiés et, à la faveur des pentes, transformés en torrents ou coulées de boue se déversant sur la ville de Buéa en empruntant autant que possible les drains existants.
Il s’agit donc de ruissellements mi-liquides mi-solides qui peuvent détruire tout sur leur passage, même les habitations. L’apport d’eau est ici d’origine pluviale. Les pluies sont l’une des principales causes des coulées de boue donnant lieu à la saturation des sols pulvérulents qui franchissent leur limite de liquidité et créent un mouvement de masse le long des pentes.
Y a-t-il un lien entre le phénomène ainsi observé et le volcanisme ?
Il y a un lien entre le phénomène observé et le volcanisme mais attention le lien n’est pas avec une éruption volcanique active ; le lien c’est avec des produits de l’éruption volcanique (cendres et lapillis). Les cendres volcaniques sont constituées de fines particules de roches volcaniques fragmentées et résultent d’éruptions passées.
On peut donc conclure que le phénomène de Buéa peut porter le nom de lahar (nom d’origine indonésienne) désignant des coulées boueuses d’origine volcanique survenant sur les flancs du volcan, et principalement formées d’eau , de cendre volcaniques et de débris.
On distingue, en général, deux grandes catégories de lahars:
- Lahars syno-éruptifs qui se produisent pendant l’éruption, appelés aussi lahars primaires ou lahars chauds (ils peuvent atteindre jusqu’à 90°C). Ils sont plus dangereux et plus meurtriers surtout s’ils affectent des zones habitées. On connaît bien l’exemple de la grande catastrophe du Nevado del Ruiz en Colombie en 1985 liée à une fonte brutale de la calotte glaciaire due à l’éruption volcanique. La chaleur volcanique a fait fondre la glace pour alimenter le système en eau à très haute température;
- Lahars post-éruptifs ou secondaires ou froids qui remanient les dépôts de cendres ou de nuées. Ces lahars peuvent avoir lieu des années après une éruption tant que les dépôts ne se sont pas encore solidifiés
Ce genre de phénomène peut-il encore survenir dans le futur ?
Oui, à Buéa, on a affaire à un lahar froid. Il pourra toujours en avoir mais surtout on pourrait se retrouver dans des situations de lahars chauds plus meurtriers. Il faudra faire attention lorsqu’une éruption du mont Cameroun se déroule en pleine saison de pluies au maximum de la mousson. A ce moment, la liquéfaction des produits volcaniques pourrait donner lieu à des torrents de boue à très haute température. Il y a donc là un grand sujet de réflexion à considérer pour mettre en œuvre des actions efficaces de prévision. Mais comme une récurrence certaine, le problème ici comme partout au Cameroun trouve explication dans le non respect des règles de construction en général et d’urbanisme en particulier. Le caractère montagnard, les pentes, le volcanisme et ses produits résultant du dynamisme du mont Cameroun, l’agressivité climatique…se combinent avec la vulnérabilité active résultant des installations humaines qui défient les plans d’urbanisme et même les plans de prévention des risques pourtant bien élaborés mais jamais appliqués. D’où l’occupation et l’encombrement des drains.
Très belle réflexion scientifique Prof, ma préoccupation est celle de savoir quelles mesures préventives pour un éventuel lahar chaud?
Très belle initiative Pr ! Alors, comment pourrait-on réfléchir pour mieux orienter les drains existants ? Quelle serait la méthode qu’on pourrait utiliser pour orienter le sens d’écoulements voire créer aussi un seul bassin versant de recueillement ? Une fois de plus mes encouragements Pr ! Salutations très distinguées
Merci Pr
Je lis l’article clairement maintenant
Vous nous avez parlé de cela en classe dans le cours de RISQUES ET CATASTROPHES NATURELLES